Du son avant tout le reste !
Depuis quelques années, Pierre Perchaud s’est imposé comme un des plus brillants guitaristes de jazz de sa génération. Son association avec le contrebassiste Nicolas Moreau, suivie de leur rencontre avec le batteur Jorge Rossy, a donné naissance au trio Fox. Né d’une étroite collaboration avec le saxophoniste Chris Cheek, « Pelican Blues », deuxième album de la formation, se présente comme une évocation de la Louisiane.
« On s’est imprégné, puis après on a écrit de la musique », précise Pierre, pour décrire la genèse de ce nouvel album. Du coup, certains morceaux de « Pelican Blues » apparaissent de fait « enracinés » dans la musique louisianaise, tandis que d’autres sont davantage liés à « l’imaginaire qu’on s’était construit autour de la Louisiane ». Pour Pierre, ce processus d’écriture se déroule « la plupart du temps avec l’instrument, même si ça peut m’arriver d’avoir des bribes de morceaux dans la voiture, en chantant… ».
Même lorsqu’une voix mélodique vient se rajouter, comme celle de Chris Cheek pour cet album, cette formule en trio avec basse et batterie met en tout cas en valeur la richesse de l’accompagnement du guitariste. « J’essaie de ne rien m’interdire, affirme-t-il… C’est un état d’esprit plus qu’un travail très précis. J’essaie concert après concert de développer un état d’esprit le plus ouvert possible au collectif quand j’accompagne… ». Une forme de discipline qui implique tout un tas de ressources et de techniques instrumentales.
« Au départ, je suis un guitariste de formation classique », reconnaît l’intéressé. « Ensuite, j’ai beaucoup travaillé pour reconnecter tout ce que je savais jouer à mon instinct, mon oreille… J’essaie toujours de connecter mon jeu à une forme de chant intérieur, à quelque chose de vraiment senti ». En réalité, cette exigence s’est installée très tôt dans son parcours (pratiquement dès ses débuts sur l’instrument !) : « Depuis tout jeune, j’ai toujours eu le réflexe de chercher des choses, de ne pas me contenter de lire une partition. Je composais des trucs dans mon coin… Je flânais sur la guitare… je restais des heures dessus… ça m’a tout de suite pris ».
C’est grâce à Olivier Louvel, un collègue guitariste, que Pierre découvre celle qui va devenir sa guitare de chevet, une Gibson 330, « plus légère que la 335 » (il n’y a pas de poutre sous les micros), avec « un tout petit peu plus de résonance acoustique ». « Il y a certaines années où je m’en suis éloigné, mais j’y suis revenu. Elle est très polyvalente. Très adaptée à ce que je pratique dans le jazz. Aussi adaptée si je dois jouer quelque chose de plus rock ou blues ». Pour élargir sa palette sonore, Pierre ne dédaigne pas avoir recours à quelques effets : reverb, delay, drive…, avec une prédilection pour les pédales Strymon (Delay El Capistan, Reverb Flint…). « Si un effet libère des choses positives pour moi, une plus grande fluidité, je l’utilise… J’aime bien utiliser les effets de manière assez subtile… Des fois, j’en mets très peu, on peut entendre la différence de façon vraiment très légère… mais au final ça change beaucoup pour moi ».
Revenons à la « technique ». Doigts ou médiator, pour la main droite ? « Au début, je jouais exclusivement aux doigts, même sur la guitare électrique, dans la volonté de garder une spécificité… mais il y a toute une palette sonore qu’il me semble impossible à avoir… Donc j’ai préféré privilégier le son plutôt que la sophistication du jeu aux doigts pour le phrasé. La musique, avant tout, c’est du son, avant tout le reste, pour moi ! » Il arrive tout de même à notre homme de renouer avec « le jeu aux doigts », dans certains contextes ou pour certains passages. Ainsi de ces « arpèges tourbillonnants », inspirés du banjo, qu’on retrouve sur l’album. « La guitare classique m’a permis vraiment de consolider le socle de ma main, qui bouge le moins possible. Ça me permet de faire ce genre d’arpèges ».